S’identifier aux personnages (vu d’après les scénaristes, maîtres en la matière)

Pour cette partie-là, je vais plutôt m’inspirer du côté des scénaristes. En effet, ceux-ci doivent en quelques secondes créer des personnages forts et attachants. Sur le papier couché, il en va autrement naturellement mais le procédé demeure identique.  

Le lecteur doit s’identifier fortement au personnage principal afin de vouloir tourner les pages. Il ne sert à rien de lui donner des traits sympathiques, ou séduisants, appelant l’estime ou l’admiration. L’identification ne fonctionne pas plus pour les saints que pour les salauds. Au cinéma, on place souvent le personnage en situation de danger ou de malheur profond, pour que le spectateur reste avec lui-même dans ses pires violences.  On peut aussi montrer le personnage commettant une faute à la manière des enfants, comme fouiller ou commettre un petit larcin. Il existe aussi des situations de base où chacun peut se retrouver, comme les triangles œdipiens, la déréliction, le sentiment d’être délaissé.  

La comparaison permanente est une fonction, un élément permanent de l’identification. On s’identifie par comparaison, favorable ou défavorable. Les personnages vilains ou grotesques appelleraient une comparaison favorable. Il peut même se produire une contre-identification basée sur le principe « je me débrouille mieux que lui, je suis plus malin plus sympathique ». C’est le cas par exemple de Katherine Hepburn, dans Woman of the Year essayant de cuisiner et accumulant les maladresses.

Pour Aristote, la crainte ou la pitié, sont les deux actions que la tragédie exerce sur les âmes afin de « purger l’homme de telles passions ».  Aucune autre forme dramatique que le cinéma n’a été mieux équipée pour créer la peur ; la crainte reste présente dans trois films sur quatre. Pour provoquer la peur, il faut que le spectateur ou le lecteur participe à ce sentiment de danger. Quant à la pitié, elle dépend de la familiarité établie avec le personnage. Un personnage qui ne nous est rien, peut subir la mort ou la souffrance sans émouvoir le spectateur/lecteur tandis qu’un autre personnage duquel le tempérament reste plus proche de nous, peut se voir blessé, humilié et nous sommes de tout cœur avec lui.

Un autre ressort dramatique classique et universel reste le changement de fortune. Cela se retrouve dans les contes de fées, les mélodrames. Le changement de fortune est en général un changement de condition produit par une circonstance imprévue, d’une condition basse à une condition élevée ou l’inverse. Selon Hitchcock, il s’agit de la situation la plus efficace de toutes, parce que le public, dit-il, peut s’identifier à un personnage ordinaire mieux qu’à un gangster ou une princesse.