La technique du doublement

Voici un secret bien gardé, dans la plupart des grandes œuvres : la technique du redoublement. C’est-à-dire que l’on peut utiliser deux fois, personnages et lieux, dans une perspective différente. Nous allons prendre pour exemple, le rouge et le noir de Stendhal. Les personnages sont doublés ; personnages, décors et scènes apparaissent en miroir. Deux femmes opposées dans la vie de Julien, Madame de Rénal, épouse du maire, timide, émotive, élevée au couvent, franche et authentique et Mademoiselle de la Mole, parisienne, hautaine, intrigante, séductrice. L’histoire commence à Verrières et finit à Verrières, après avoir parcouru une grande boucle en passant par Paris.

Cela permet une économie car le décor décrit une seule fois, sert deux fois dans l’action. Plus besoin d’ajouter une description qui ralentirait l’action. En comparant mentalement les deux scènes avec les mêmes personnages dans le même lieu, le lecteur mesure à quel point le héros a pu changer. Julien passe d’un simple paysan à un homme du grand monde. De plus, la première description sert de signe prémonitoire à la dernière, la couleur rouge sur les murs et le sol connote le sang à venir.

Voici d’autres exemples de dédoublement de décors :

- jour/nuit : le même décor apparaît le jour, puis de nuit. Très facile

- entrée/sortie : le personnage entre dans le décor, puis en sort une fois sa mission accomplie

- construit/démoli : dans la première scène, la maison est construite, dans la seconde, elle périt dans les flammes

- printemps/automne

- hiver/ été

Tous ces doublements ne sont pas l’effet du hasard ; la première vision est naïve, extérieure, la seconde opère une révélation sur ce qui était caché. D’où le proverbe latin, «  bis repetita placent »,les choses répétées deux fois plaisent.

D’après Technique du récit et composition dramatique, Louis Timbal-Duclaux