Écrire une nouvelle par Elizabeth Lord

La nouvelle littéraire est un format littéraire bref qui possède des caractéristiques particulières, mais qui offre néanmoins une très grande liberté aux écrivains. Pour pouvoir marquer et transporter le lecteur à l’aide de peu de mots, il faut savoir tirer profit de ces derniers et les choisir minutieusement. Voici les principaux attributs de la nouvelle littéraire et des conseils plutôt simples pour écrire une nouvelle littéraire remarquable. 

La nouvelle littéraire : une définition

La nouvelle littéraire est un texte narratif court qui, de manière générale, s’articule autour d’un seul événement et où peu de personnages sont présentés. Une nouvelle classique comporte de 1000 à 10 000 mots, mais cette échelle est bien entendue malléable et ne sert qu’à titre indicatif.  Les mots d’ordre lors de la rédaction d’une nouvelle littéraire sont “concision” et “brièveté”. Nul besoin de s’étendre dans de longues descriptions et dans de multiples trames narratives. Le but ici est de faire naître des émotions chez le lectorat et de jouer dans le registre de l’intensité pour le conquérir. 

La nouvelle peut se décliner dans tous les sous-genres littéraires, ce qui en fait un type de texte de prédilection pour ceux qui en sont à leurs premières armes en écriture. Les lieux dépeints dans la nouvelle littéraire relèvent de l’esquisse, ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas y porter attention, au contraire, il faut trouver la manière d’évoquer le tout simplement et de la façon la plus juste possible. 

Structure de la nouvelle littéraire

La structure de la nouvelle littéraire reprend, à petite échelle, celle d’un schéma narratif traditionnel. Au lieu d’avoir un chapitre pour poser la situation initiale, l’auteur ne dispose que de quelques phrases pour présenter son personnage et faire comprendre dans quel milieu il évolue. L’élément déclencheur (aussi appelé élément perturbateur) aura lieu en tout début de récit afin d’ébranler le personnage. Il n’est pas nécessaire ici de multiplier les intrigues ou les péripéties, l’idée est plutôt de montrer le cheminement psychologique du ou des personnages impliqués. La nouvelle se termine habituellement par une chute, ou un retournement de situation, qui viendra déstabiliser ou marquer le lecteur. 

Au tout début de la nouvelle « Chauffeur un été » du recueil Rien dans le ciel de Michael Delisle (Boréal), un homme se trouve un emploi de chauffeur pour un acteur argentin vieillissant. L’homme l’annonce d’emblée, ce n’est pas son emploi idéal, mais au sortir d’une dépression, c’est tout ce qu’il se croit capable d’exercer. Une amitié se développe entre les deux hommes et le texte gravite autour de cette relation. Au retour d’une sortie à la plage, les deux hommes croisent un accident de la route où une fillette est transportée par les brancardiers, décédée. Cet événement provoque une réflexion profonde sur la honte chez le personnage de l’acteur et, bien entendu, chez le lectorat. La chute de cette nouvelle est étonnante, puisqu’elle laisse voir une autre facette de ce personnage et touche énormément le lecteur. 

La construction des personnages

Les personnages sont captés durant un bref moment de leur vie et le défi est d’exposer les facettes de la personnalité nécessaires à la compréhension de l’histoire, sans tomber dans la « fiche d’identité ». Chaque élément présenté des protagonistes prend une signification importante, c’est donc nécessaire de bien choisir ces éléments. 

Par exemple, dans le texte « À la gare » dans Pour cœurs appauvris de Corinne Larochelle (Le Cheval d’août), une femme pleure en attendant son train. Elle se confie à la femme qui fait la file avec elle et lui mentionne un chagrin d’amour. Cette deuxième se penche pour ramasser un petit objet brillant et lui raconte une anecdote concernant sa mère, qui conservait des pots entiers de pièces de dix sous dans la maison. La dame remet la pièce ramassée par terre à l’amoureuse bouleversée en lui disant que cela lui portera chance. Dans ce geste simple, le lecteur sent pourtant toute la solidarité et la compassion qui unissent maintenant les deux femmes. Ce texte ne fait qu’une page et demie, mais comporte tous les éléments nécessaires pour transporter le lecteur. 

Trois conseils pertinents

  • Ce serait faire preuve d’arrogance que de penser que     l’écriture d’un texte court de ce type se révèle un jeu d’enfants. Un     écrivain avec un sens de l’observation aiguisé aura sans aucun doute une     plus grande facilité à trouver les détails qui feront que sa nouvelle     littéraire se démarquera. Il pourrait s’avérer bénéfique de produire un     premier jet assez long, pour comprendre sur quoi porte vraiment     l’histoire, et d’ensuite couper, couper, couper, pour ne garder que les     éléments nécessaires à la compréhension, et ceux qui feront que votre     texte sera original. 
  • Lors de l’exercice de réécriture, on retire les     répétitions, on lance le lecteur dans l’action immédiate, quitte à le     brusquer un peu, et on porte une attention particulière au dynamisme de la     structure. En cas de doute, la     lecture à voix haute reste un choix certain quand vient le temps de     poser un regard critique sur sa création.
  • On apprend très tôt qu’une chute surprenante est la clé     d’une nouvelle littéraire réussie. Attention cependant à ne pas user de     facilité et offrir aux lecteurs une fin du genre : « ce n’était     finalement qu’un rêve! ». Il n’y a rien de plus frustrant pour un     lecteur que de se retrouver dans ce cul-de-sac. Opter pour une fin ouverte     est possible, mais celle-ci doit être préparée adéquatement. Différents     indices doivent être semés tout au long du texte, afin de pouvoir laisser     le lecteur se faire sa propre idée sur le dénouement de l’histoire. 

La nouvelle littéraire est un genre qui a traversé les époques et qui n’a cessé de se renouveler au fil des années. Peu importe les choix structuraux et esthétiques qui seront faits, il est important de garder en tête que ce seront les détails qui feront la différence, et que rien ne marque plus le lecteur qu’une nouvelle bien menée. Pour preuve, personne ne peut vraiment oublier Le Horla de Guy de Maupassant après l’avoir lu.