Écrire un roman historique : l’approche de l’auteur Nicolas F. Paquin

Kim Renaud-Venne

Écrire un roman nécessite du temps et de la recherche, écrire un roman historique en exige tout autant, voire davantage. Que l’on veuille inscrire son histoire durant le règne du Roi Soleil, les années folles, pendant la Deuxième Guerre mondiale ou encore à l’époque de la Révolution tranquille, ce sont les détails et les bonnes références qui rendront l’œuvre vraisemblable. Afin d’éviter les erreurs et de concevoir un texte riche, Nicolas F. Paquin, auteur notamment de romans d’aventure historiques, nous parle de sa façon d’approcher l’écriture pour ce type de livre.

Ligne de conduite et recherche en amont

Vous pouvez avoir une histoire en tête, une idée de son déroulement, il demeure que pour écrire une œuvre de fiction historique, il faut en premier lieu réfléchir à la manière d’aborder son projet.

L’auteur Nicolas F. Paquin
Crédit photo : Élizabeth Delage

«Comme mes histoires se passent dans une époque où il y a eu de la souffrance, je ne peux pas prendre des libertés avec la souffrance du monde. Il faut vraiment que je sache que ce que je vais faire va être respectueux envers ceux qui ont vécu ça. Dès le départ, dans mon cas, c’est clair qu’il y a un enjeu qui est moral. Il faut clairement que l’angle choisi demeure très humain. Là, on est encore loin de comment écrire, c’est vraiment un état d’esprit qu’il faut prendre, qu’il ne faut pas déroger. C’est comme une ligne de conduite», révèle Nicolas F. Paquin, auteur de la trilogie historique Les Volontaires, dont le deuxième tome Combattre dans l’ombre a reçu le prix CALQ-Œuvre de l’année du Conseil de la Culture Québec-Chaudière-Appalaches.

De cette démarche éthique s’ensuit un processus de recueillement. Il faut faire un long travail de recherche, se documenter et parfois, s’il y a lieu, faire des entrevues avec des personnes qui ont connu l’époque que vous désirez traiter.

Bien qu’elle puisse être en toile de fond, l’histoire qui y est rapportée dans le roman doit être fidèle. Que ce soit l’architecture d’une église du Moyen Âge, l’habillement et le décor des personnages durant la Révolution industrielle ou encore les objets utilisés au quotidien au temps de l’Antiquité, tout doit être exact et décrit avec aisance, sans quoi le lecteur pourrait décrocher de sa lecture et sentir que l’auteur n’a pas suffisamment étudié la période dans laquelle se déploie son récit.

Attention aux anachronismes

L’élément primordial à éviter : les anachronismes. Il est question ici, de prime abord, d’erreurs faisant en sorte qu’il y a confusion entre les époques.

«Dans la Deuxième Guerre mondiale, un bateau, par exemple, est parti au mois de novembre, mais moi je veux le faire partir au mois de juillet deux ans plus tard. Je ne peux pas faire ça ! Ça me contraint, et il faut vivre avec ça. Simon personnage est à 600 km de l’événement, je ne peux pas le téléporter pour le mettre en place non plus. Je ne peux pas prendre de liberté ni avec l’histoire avec un grand H, ni avec la petite histoire à l’intérieur», mentionne-t-il.

S’il est important pour l’auteur de détailler avec confiance l’environnement de son histoire, il ne faut pas oublier les mœurs et coutumes de la société décrite. L’attitude et les comportements des personnages doivent être en cohérence avec leur époque. Et s’il y a des dissidents, le lecteur doit comprendre qu’ils ne sont pas en harmonie avec leur temps.

Qu’il s’agisse de registres de langue, de propos et points de vue rapportés des personnages ou de conversations entre eux, l’authenticité des scènes se détectent dans ces menus détails.

Roman historique et liberté créative

Quand il est question de roman historique, la part fictionnelle est bien évidemment présente. Cette portion peut varier d’un auteur à un autre selon ses valeurs, ses motivations derrière le projet ainsi que son interprétation de l’histoire.

«Ça dépend de l’intention de l’auteur et ce que l’on veut que le récepteur, le lecteur, retienne. Dans La Mer était rouge, je me suis donné plus de latitude sur la façon que les personnages s’expriment par exemple. Je n’ai pas envie d’intégrer des personnages misogynes et vulgaires. Oui, il y en avait à cette époque. Mes personnages sont relativement gentlemen, et il y en avait aussi, et c’est là-dessus que je me concentre. Mais, ça, c’est un choix personnel», précise-t-il.

Il est aussi possible de miser sur le point de vue d’un personnage qui a vécu les événements autrement que ceux présentés, par exemple, dans les livres d’histoire.

Nombreux auteurs s’amusent également à jouer avec les codes en ajoutant des éléments de fantasy, de fantastique, voire de science-fiction. Même en s’appuyant sur des référents connus des lecteurs, il y a toujours moyen de créer un roman qui se distingue des autres ayant traité d’un même fait.

Se lancer dans l’aventure du roman historique est donc un projet de grande envergure. Il faut trouver plaisir à enquêter, à fouiller dans les archives et à approfondir ses connaissances historiques, car il peut être facile de se décourager devant la quantité d’informations qu’il faut récolter. C’est un jeu qui en vaudra la chandelle, car cet investissement de temps mènera à l’enrichissement de l’auteur, de l’œuvre elle-même et finalement du lecteur, qui sera happé par une histoire minutieusement racontée.

 

Nicolas F Paquin