Du roman à l’écran

Vous voulez adapter votre roman pour l’écran ? Qu’il s’agisse de la télévision ou du cinéma, vous souhaitez écrire un bon scénario. L’écriture romanesque et l’écriture scénaristique comportent de nombreuses distinctions qu’il convient de garder en tête au moment de s’installer à sa table de travail. Voici lesquelles:

PARTICULARITÉS DE L’ÉCRITURE ROMANESQUE

Le roman est un art du récit qui se distingue par l’importance accordée à la mise en place de l’univers fictionnel. L’ambiance est portée par les descriptions, par les dialogues, par le grand soin porté aux réflexions et au développement psychologique du (ou des) narrateur. Par nature, le récit repose entièrement sur l’acte de parole du narrateur. Le romancier n’a d’autre choix que de prendre tout le temps dont il a besoin, au cœur du texte, pour poser les bases de son intrigue, pour mener le lecteur au plus près de l’action et pour que la structure de l’intrigue soit claire. Par exemple, dans Germinal, d’Émile Zola, la seule parole du narrateur dresse un portrait crédible, vivant, de la France ouvrière de la deuxième moitié du XIXe siècle. Ce portrait, outre les descriptions de lieux et d’actions, passe également par l’évolution psychologique d’Étienne Lantier, le protagoniste principal.

PARTICULARITÉS DE L’ÉCRITURE SCÉNARISTIQUE

Le cinéma est aussi un art du récit, mais qui se joue directement devant le spectateur, là où l’action du roman est toujours différée. Et la parole n’est qu’un des nombreux langages considérés par le scénariste pour montrer le récit. De fait, le rôle du scénario n’est pas d’expliquer ou de développer les réflexions du protagoniste principal ou son développement psychique à un potentiel lecteur. Son but est de guider le plus clairement possible les artisans de la production cinématographique dans la reproduction de l’action pour l’écran. Les indications contenues dans le scénario doivent être factuelles et concises. Les didascalies y occupent une place primordiale :elles indiquent les lieux, les actions, les personnages qui agissent lors d’une scène précise. On y retrouve aussi certains détails sur l’ambiance sonore ainsi que sur la lumière. La didascalie ne comporte toutefois que le nécessaire et on évite de la surcharger avec des détails superflus, qui ne sont pas utiles au film. La didascalie résume, en quelques mots, ce qu’un roman va détailler en plusieurs pages à l’aide de descriptions. Est-ce à dire que le scénario est dépourvu d’ambiance ? C’est tout le contraire selon le scénariste et réalisateur Olivier Assayas qui dit que :

« L’écriture [du scénario] n’est pas une description plate. Elle doit rendre l’atmosphère, le rythme du film, mais avec le plus d’économie possible et en vue du tournage uniquement 1 .»

L’écriture scénaristique est donc une écriture de la suggestion, plutôt que du détail.

L’ADAPTATION D’UN ROMAN À L’ÉCRAN

Qui n’a pas vécu la déception de ne pas retrouver une scène favorite de son livre dans l’adaptation cinématographique ? C’est que la transposition d’un roman à l’écran suppose une importante transformation du récit, pour qu’il se colle aux codes précis du cinéma. Par exemple, si la présence d’un narrateur n’est pas impossible (c’est le cas dans le film The 9th Life of Louis Drax, d’Alexandre Aja) elle se fait beaucoup plus rare. Le scénariste n’a pas à décrire l’intériorité des personnages ou les moindres détails de l’ambiance, comme dans une narration romanesque. Son travail est de le montrer à l’écran à l’aide des différents langages cinématographiques.

Il doit également tenir compte de la limite de temps inhérente au film et qui ne se pose pas, dans un roman. Comme il est impossible de tout dire en une heure trente ou deux heures, le scénariste doit choisir les scènes qu’il laissera de côté, pour se concentrer sur le volet précis du texte qu’il souhaite développer. Ainsi, il s’assure que la tension dramatique suit un continuum logique, que tout est clair pour l’auditeur dès le premier coup d’œil. Après tout, lorsqu’on visionne un film en salle, il est impossible de revenir quelques pages en arrière pour reprendre un passage!

Ces choix mèneront le scénariste à réaliser une adaptation qui sera soit fidèle, soit libre, de l’œuvre de référence. Par exemple, conscient des limites de temps inhérentes au médium cinématographique et afin de respecter le plus possible la trame narrative du roman Dune, de Frank Herbert, le réalisateur et scénariste Denis Villeneuve a choisi de diviser le récit en deux volets. Il s’agit donc d’une démarche d’adaptation fidèle à l’œuvre originale.

À l’inverse, Francis Ford Coppola, en s’inspirant du roman Dracula, de Bram Stoker, livre sa propre vision de cette histoire dans son film. Le lecteur du roman retrouvera des personnages et des lieux connus, tels le comte Dracula, Jonathan Harker, Mina Murray et l’ambiance gothique de la Transylvanie. Cependant, à l’inverse du roman original, une histoire d’amour est mise en scène entre Dracula et Mina Murray. L’érotisme est distillé dans de nombreuses scènes et le comte Dracula est la victime d’une malédiction plutôt qu’un monstre par nature. L’adaptation prend ainsi des libertés avec l’œuvre originale, tant du point de vue formel que thématique.

DU ROMAN À L’ÉCRAN, CE QU’IL FAUT EN RETENIR

Adapter un roman à l’écran implique un changement de forme, donc un changement de mode de langage. La parole n’est plus seule à porter le récit, et nombre de choses dites dans le roman seront plutôt montrées ou suggérées à l’écran. Il faut accepter de sacrifier certains éléments et d’en réécrire d’autres afin de se plier aux codes du genre cinématographique et ainsi offrir un nouveau point de vue sur une œuvre existante. Cela suppose beaucoup d’humilité et de créativité, d’où l’importance de bien s’entourer au moment de procéder au travail d’adaptation!

Maxime Plamondon